vendredi 9 janvier 2009
Du jamais vu depuis 1945
Il y a encore tout récemment, nous pouvions lire des manchettes comparant la violente chute des marchés boursiers avec le krash de 1929. Ce matin, il y a une petite amélioration, si je peux m'exprimer ainsi: les sites web financiers, dont celui du Wall Street Journal, nous apprennent en effet qu'il faut retourner «seulement» jusqu'en 1945 pour retrouver des pertes d'emplois aux États-Unis aussi importantes que celles qui ont été recensées en 2008.
Au total, 2.6 millions d'emplois ont été perdus, dont 524 000 en décembre, ce qui a fait monter le taux de chômage à 7.2%, un niveau considéré élevé chez nos voisins du Sud où le filet social n'encourage personne à faire la farniente en attendant de trouver l'emploi de ses rêves. Évidemment, les indices boursiers, que ce soit le Dow Jones, le S&P 500 ou le S&P/TSX, réagissent plutôt négativement à la nouvelle, mais sans trop d'excès. Il faut préciser que les chiffres sont un peu moins mauvais que ce qui était attendu par les experts, ce qui explique peut-être la retenue actuelle.
Sur une note un peu plus optimiste, je dirais que quelques informations commencent à poindre ça et là nous laissant entrevoir des jours meilleurs -- si bien sûr cette récession ne se transforme pas en Armageddon financier. Ainsi, dans un article intéressant paru sur Bloomberg hier, nous pouvons lire que les banques américaines offrent maintenant des taux hypothécaires fixes de 30 ans à moins de 5% (4.75% chez JPMorgan).
Pour le moment, seuls les clients ayant le meilleur crédit ont accès à ces taux, moyennant une mise de fonds de 20%. Nous sommes bien loin des taux faramineux des années 80. Je me souviens, lorsque j'ai acheté ma première maison dans ces années-là, d'avoir dû m'accommoder d'un taux de près de 15% (!). Mon beau-père, qui était propriétaire d'un édifice à logements et de deux maisons, s'arrachait ce qui lui restait de cheveux à chaque fois qu'il devait renouveler une échéance. C'est compréhensible: à un moment donné, si ma mémoire est bonne, il payait plus de 16% d'intérêt sur l'hypothèque d'une de ses propriétés.
Dans un autre ordre d'idées, je vous invite à lire un article intéressant de Morningstar qui décerne son titre de CEO (Chief Executive Officer ou directeur général) de l'année 2008 au milliardaire américain Warren Buffett. Le grand patron de la société de portefeuille Berkshire Hathaway aurait pu mériter ce titre bien avant, écrit en substance Morningstar en rappelant la feuille de route impressionnante de cet investisseur de génie.
Pour faire une histoire (très) courte, la compagnie de textile moribonde dont il a pris le contrôle il y a 44 ans est devenue le plus puissant conglomérat de la planète. La valeur au livre de l'action de classe A est passée de 19$ au début à 77 500$ au 30 septembre dernier, pour une augmentation annuelle moyenne de 20.7% (pendant ce temps, le S&P 500 prenait 9.6% incluant les dividendes).
Compte tenu de cet accomplissement remarquable, M. Buffett pourrait être récompensé pour l'ensemble de son oeuvre mais ce n'est pas ce qui motive Morningstar en ce début d'année 2009. Pour résumer le commentaire de Paul A. Larson, L'Oracle d'Omaha, comme on se plaît à surnommer M. Buffett, s'est plutôt démarqué en prenant des décisions controversées en 2008. Ses investissements perçus comme prématurés dans GE et Goldman Sachs, les contrats à long terme sur le rendement des indices boursiers (pour lesquels il a dû prendre des provisions pour perte), son article du 16 octobre dans le New York Times, «Buy American. I Am», sont autant de décisions que les observateurs lui reprochent en cette époque de profonde morosité.
Morningstar rappelle cependant que M. Buffett a pris bien plus de bonnes décisions que de mauvaises dans sa carrière et que ses actionnaires ont encore de très bonnes chances de profiter éventuellement de celles qu'il a prises en 2008. M. Larson donne en exemple son investissement de un milliard pour l'acquisition de Constellation Energy par MidAmerican, filiale de Berkshire Hathaway, en septembre. Après quelques semaines de tergiversation et une offre bonifiée déposée par le groupe français EDF, Buffett s'est retiré de la course, non sans que sa mise initiale se soit transformée en un billet de un milliard rapportant 14%, une compensation de 175 millions $ pour l'annulation de la transaction ainsi qu'une participation de 10% dans l'actionnariat de Constellation valant présentement 500 millions $.
«Ça prenait tout un joueur de poker pour faire un tel pari, à risque bas et rendement élevé, et l'amener à conclusion en moins de trois mois», écrit M. Larson. Non, M. Buffett n'a définitivement pas perdu la touche.
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Un petit ajout pendant que j'y pense: il y a une discussion intéressante sur le Wall Street Journal suivant l'article de vendredi matin sur les pertes d'emploi en 2008.
RépondreSupprimerPlusieurs lecteurs font remarquer que le journal exagère en comparant les chiffres de l'an dernier avec ceux de 1945. Ils font valoir -- à juste titre à mon avis -- que l'information aurait été plus complète et moins alarmiste si les données avaient été ajustées en fonction de la population américaine apte au travail dans ces deux années.
La population américaine au travail était environ trois fois moins importante en 1945 qu'aujourd'hui. En pourcentage, le nombre de sans-emploi à la suite des mises à pied était forcément beaucoup plus élevé à cette époque qu'en 2008.