mercredi 4 février 2009
Bird Construction : un oiseau rare!
Bien peu d’investisseurs au Canada connaissent Bird Construction Income Fund. Bien sûr, peut-être y en a-t-il qui ont déjà remarqué son nom inscrit sur des affiches, aux abords d’un immeuble en construction, mais très rares sont ceux qui ont eu la chance d’être mis au courant, assez tôt pour en profiter, de ses extraordinaires succès en bourse et en affaires. Je dis «extraordinaires», parce que je ne connais aucune autre compagnie canadienne qui a retourné autant d’argent à ses actionnaires au cours des dix dernières années.
Tel que son nom l’indique, Bird Construction Income Fund est une fiducie de revenu qui contrôle Bird Construction Limited, un entrepreneur général en construction et gestion de projets actif au Canada et aux États-Unis. La compagnie offre ses services aux secteurs industriel, institutionnel, commercial et multi-résidentiel, selon des formules contractuelles adaptées aux désirs de la clientèle. Fondée il y a près de 90 ans par H.J. Bird, elle compte aujourd’hui des bureaux à Halifax, Saint John (Nouveau-Brunswick), Toronto (siège social), Winnipeg, Calgary, Edmonton, Vancouver et Seattle (état de Washington).
Jusqu’en février 2006, Bird Construction faisait affaire sous le modèle corporatif. Mais son pdg à l’époque, Paul A. Charrette, jugeait qu’il lui serait plus facile comme fiducie de revenu de redistribuer à ses actionnaires les amples surplus de capital qu’elle générait d’année en année – surplus dont elle n’avait aucun besoin pour maintenir ses opérations. C’est ainsi que ses actions – qui se transigeaient au TSX Venture Exchange (BDT) – ont été converties en unités de fiducie, selon un ratio de trois unités pour une action, et inscrites à la bourse de Toronto sous le symbole BDT.un. Il s’agissait alors du deuxième fractionnement en moins de 10 ans, qui portait le nombre d’unités en circulation à 13 789 180.
C’était tout un changement, car, à peine sept ans plus tôt, en 1999, la compagnie ne comptait au grand total que 188 153 actions! Celles-ci s’échangeaient sur le parquet de la minuscule bourse de Winnipeg, où le teneur de marché pouvait passer des semaines sans avoir à effectuer la moindre transaction sur le titre. Et pour cause : dans son rapport annuel, la compagnie ne déclarait que 158 actionnaires, soit à peu près le même nombre qu’en 1995. Selon ce que j’ai été en mesure de recenser (et ça n’a pas été facile, croyez-moi!), quelques milliers d’actions seulement ont changé de mains au milieu de l’année 1999 à des prix variant entre 88$ et 125$, soit entre six et sept fois le bénéfice par action de 1998 – un bénéfice pharamineux de 16.87$.
Inscrite au Canadian Venture Exchange, puis au TSX Venture Exchange à la suite du fusionnement, au tournant du siècle, des bourses de Winnipeg, Montréal, Calgary et Vancouver, l’action de Bird Construction a continué de monter sous l’effet d’une poignée de transactions, de sorte qu’à la fin de 2000, elle valait plus de 180$. C’est un chiffre impressionnant, mais la compagnie allait très bien. L’année précédente, elle avait bouclé un sixième profit record de suite, plus du double de celui de l’année précédente, soit 7,6 millions $ sur des revenus de 341,2 millions $. Avec un bénéfice net par action de 40.52$, le prix de l’action était extrêmement raisonnable à un ratio cours/bénéfice de 4.4. A posteriori je suppose que seul l’engouement pour les titres techno – qui était à son comble à ce moment là – peut expliquer un prix aussi bas, car la compagnie était en voie d’établir un nouveau record : 42.03$ de bénéfice par action pour l’exercice 2000!
Quoi qu’il en soit, en 2001, question sans doute de faciliter les échanges, la direction s’est enfin décidée à effectuer son premier fractionnement d’actions. Au mois de mai, les derniers échanges ont culminé à 320$ (eh oui!) avant que le titre ne soit fractionné la première fois, selon un ratio de 20 :1, pour un total de 3 763 060 actions. Comme c’est souvent le cas en bourse, l’action a décollé dans les jours suivants pour atteindre 27$, soit l’équivalent de 540$ avant le fractionnement. Mais rapidement l’intérêt s’évapora et l’action de Bird Construction termina l’année autour des 15$.
L’ère post-fractionnement
Maintenant que nous avons parlé du décollage de Bird Construction, pour faciliter la compréhension, les chiffres exprimés le seront désormais (à moins d'avis contraire) en fonction des deux fractionnements d’actions, selon un facteur de 60 :1.
Au chapitre des ventes, la compagnie a poursuivi sa progression étonnante. Alors qu’elle affichait seulement 88 millions $ de revenu en 1988, en 2000, elle en était rendu à 360,5 millions $. En 2004, elle franchissait le seuil des 400 millions $ (448,2 M$); en 2006, celui des 500 millions (533,3 M$); en 2007, les 700 millions $ (756,6 M$). Pour 2008, même si la compagnie ne dévoilera ses résultats financiers que plus tard en mars cette année, on peut d’ores et déjà affirmer qu’elle franchira facilement les 800 millions $, car elle en était déjà à 788 millions $ fin septembre. À souligner que cette croissance provient en partie de l’acquisition en décembre 2007 de Rideau Construction, une entreprise solidement établie dans les provinces maritimes qui a donné accès ce nouveau marché.
Même si Bird Construction fait affaire dans une industrie très compétitive et que ses marges bénéficiaires nettes peuvent varier énormément (d’un peu plus de 1% à quelques fractions au-dessus de 4% selon la vigueur de la concurrence), la rentabilité est au rendez-vous depuis plus de 20 ans. D’année en année, la société figure d’ailleurs parmi les entreprises canadiennes dont le retour sur l’avoir des actionnaires est le plus élevé. De 1999 à 2007, le ratio moyen était de 50.5%, le plancher se situant à 25.98% en 2002 et le plafond, à 86.85% en 2007.
Toujours de 1999 à 2007, le bénéfice net est passé de 7,6 à 33,4 millions $, soit de 0.67$ à 2.42$ l’action. La valeur au livre a suivi la tendance, croissant de 0.92$ à 3.86$ l’action. Ce qu’il y a de plus beau, à mon avis, c’est que toute cette croissance a été réalisée sans recours à l’effet de levier. La direction de Bird Construction est en effet très conservatrice. Non seulement n’y a-t-il aucune dette au bilan, mais en plus la compagnie conserve traditionnellement d’importantes réserves en liquidités et placements. En 1999, le total de ses placements atteignait 42,6 millions $; fin septembre 2008, le montant était de 133,5 millions $ (plus de 8$ par action).
La direction conserve autant d’argent en liquidités principalement pour deux raisons : 1. La compagnie a besoin d’un fonds de roulement très élevé pour soumissionner sur de plus gros et lucratifs contrats, autrement elle serait incapable d’obtenir un cautionnement d’exécution («surety bond») d’un assureur tel que l’exigent la plupart de ces contrats. 2. Depuis que la société est une fiducie, la direction juge plus prudent de mettre de côté une partie des flux de trésorerie pour faciliter le maintien des distributions mensuelles pendant les cycles de ralentissement.
Les cycles
Puisqu’il est question de cycles, un mot à ce sujet. Je ne vous apprends rien en disant que l’industrie de la construction dépend pour une bonne part de la vigueur de l’économie. Dans le climat actuel, il y a certainement lieu de se demander si les beaux jours ne sont pas terminés pour Bird Construction.
Nul besoin d’être devin pour imaginer que ses activités dans les secteurs multi-résidentiel et commercial sont sans doute les plus vulnérables. Dans le secteur industriel, la baisse du prix du pétrole a ralenti considérablement les dépenses en capital en Alberta, notamment dans la région des sables bitumineux où Bird Construction est très active depuis quelques années. Déjà nous savons que l’un de ses gros clients, Petro-Canada, a reporté sa décision finale concernant la mise en chantier de son projet de Fort Hills Mine, là où Bird doit construire six bâtiments au coût de 100 millions $. Heureusement, il ne s’agit que d’une fraction de l’impressionnant carnet de commandes de 1,2 milliard $ de la compagnie et rien ne dit que Petro-Canada n’ira pas de l’avant.
À un peu moins de 20$ au moment d’écrire ces lignes, bien loin de son sommet de 45.46$ atteint en juin dernier, l’action de Bird Construction reflète déjà en partie l’inquiétude reliée aux trois secteurs dont je viens de parler. J’ignore dans quelle mesure la compagnie sera réellement affectée. À l’heure actuelle, je ne peux qu’exprimer l’espoir que la direction se montrera aussi alerte que par le passé, en concentrant ses efforts vers les régions et les activités les plus porteuses pour les trimestres à venir. Tout indique que le secteur institutionnel pourrait être son nouveau vecteur de croissance, si le Canada et les États-Unis consacrent autant d’argent que prévu aux travaux d’infrastructure dans leurs programmes de stimulation économique.
Gains de capital et dividendes
Maintenant que vous en savez plus au sujet de Bird Construction, la compagnie, il est temps de vous dire où vous en seriez exactement si vous en étiez devenu actionnaire il y a dix ans. D’abord, pour être parfaitement honnête, vous n’auriez pas été capable d’acheter d’actions avant le mois d’août de cette année là, car le titre est resté fixé à 53,40$ (89 cents en tenant compte des fractionnements) pendant des mois. Mais pour le plaisir de l’exercice, disons que, n’écoutant que votre courage, vous êtes devenu acquéreur de 100 actions à 88.20$ (1.47$ post-fractionnements) durant l’été. En supposant que vous ayez conservé vos actions jusqu’à ce jour, vous en auriez maintenant 6 000 à près de 20$ chacune, soit presque 120 000$ pour un investissement de 8 820 $ (oublions les frais de courtage!). C'est entre 13 et 14 fois la mise – un «14-bagger» pour reprendre la célèbre expression de Peter Lynch. En pourcentage, nous parlons d’un retour sur l’investissement de 1 260% ou de 31.6% par an. Pas mal, non?
Mais le plus beau de l’histoire, c’est que les actionnaires de Bird Construction ont été grassement payés – et continuent de l’être à tous les mois – en attendant que leurs actions accumulent une valeur inespérée dans leur portefeuille. Le tableau ci-dessous en fait l’illustration sans équivoque possible :
Dividendes et distributions *
1999……………….0.066
2000……………….0.20
2001……………….0.333
2002……………….0.30
2003……………….0.833
2004……………….0.966
2005……………….1.38
2006……………….3.248
2007……………….1.351
2008……………….1.45
__________________
Total……………10.127$
* En tenant compte des
deux fractionnements d’actions.
Ainsi donc, pour un investissement de 8 820$, vous auriez touché au total 60 672$ (6 000 x 10.127$) en dividendes et distributions – en supposant évidemment que vous ayez eu droit à tout l’argent versé en 1999. Et encore aujourd’hui vous recevriez une distribution mensuelle de 0.1209$ par unité, soit 725.40$ sans avoir à lever le petit doigt! Pour l’année 2008, il vous aurait fallu déclarer un revenu supplémentaire de 8 704.80, l’équivalent ou presque de la somme investie au départ. Difficile de trouver mieux, admettez-le!
Quoi faire ?
Pour finir quelques éléments de réflexion concernant le prix de l’action et s’il est opportun ou non d’investir présentement dans cette compagnie.
Comme vous le savez, je ne prétends par sur ce blogue avoir la compétence pour vous dire quoi faire de votre argent. Vous avez toujours la responsabilité en tant qu’investisseur de faire votre propre enquête, de vérifier mes données et de tirer vos propres conclusions. Cela étant dit, selon les données que j’ai été en mesure de rassembler, le titre de Bird Construction Income Fund se transige actuellement à un niveau fort raisonnable compte tenu des caractéristiques de l’entreprise.
Avec un bénéfice net par unité de 4.11$ pour les quatre derniers trimestres, le ratio cours/bénéfice est présentement de moins de 5, donc très bas. En s’en tenant simplement aux flux de trésorerie par unité (5.10$), le ratio tombe à moins de 4. À titre d’exemple, l’action de SNC-Lavalin, le géant québécois de l’ingénierie-conseil, se transige à plus de treize fois les flux de trésorerie par action pour les quatre derniers trimestres (2.69$).
Le rendement de BDT.un en distributions mensuelles dépasse les 7% – un niveau élevé qui tient sans doute au scepticisme du marché en regard de la possibilité qu’il soit soutenu indéfiniment. Sur ce point, je remarque qu’à la fin septembre la direction calculait n’avoir versé à ses actionnaires que 34.4% de l’encaisse distribuable. Il n’y a bien sûr rien d’acquis pour le futur, mais tout semble indiquer que la marge de manœuvre est encore confortable.
Je ne me suis pas prêté à l’exercice de comparer Bird Construction à d’autres entreprises du même secteur, mais j’ai quand même senti le besoin de dresser la liste des comparables inscrites à la bourse de Toronto. Les voici : Aecon Group (ARE), Armtec Infrastructure Income Fund (ARF.un), Genivar Income Fund (GNV.un), IBI Group Income Fund (IBG.un), Lockerbie and Hole (LH), Seacliff Construction (SDC), SNC-Lavalin (SNC) et Stantec (STN).
En conclusion, un dernier avertissement: Bird Construction Income Fund ne peut compter sur aucun avantage concurrentiel important pour continuer de croître. Les barrières à l’entrée dans l’industrie de la construction sont à peu près inexistantes – il n’y a malheureusement pas de «moat» (douve) pour protéger la compagnie contre ses compétiteurs. Si elle a un avantage, il réside à mon avis du côté de son bilan qui pourrait, dans l’état actuel de l’économie, lui permettre d’être préférée à des entreprises plus fragiles pour l'obtention de contrats. Mais je pense qu’elle doit avant tout ses succès passés à ses dirigeants – des gens de premier niveau – et à la réputation qu’ils ont su bâtir autour du nom de la compagnie. Maintenant que Bird Construction est sous la gouverne du nouveau pdg Paul Raboud, espérons qu’il en sera de même encore longtemps.
Bonne journée!
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